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de la stratégie en général.

marche quand ils se croyaient encore loin de l’ennemi, les Autrichiens furent complètement battus et laissèrent 10 000 prisonniers et 70 bouches à feu aux mains du vainqueur. Il est vrai qu’à cette époque le Roi avait adopté pour principe une extrême mobilité, afin de déjouer les plans de l’ennemi et d’éviter tout engagement formel, mais ce ne fut cependant pas là ce qui motiva son changement de position dans la nuit du 14 au 15. De son propre aveu il n’agit ainsi que parce que la position du 14 lui inspirait des inquiétudes. Le hasard joua donc ici encore un rôle considérable. Sans la coïncidence de la surprise projetée par les Autrichiens et du changement de position exécuté par leurs adversaires, le résultat de la bataille eût certainement été différent.

Nous avons déjà reconnu que le principe de la surprise, constamment applicable dans la tactique, le devient de moins en moins au fur et à mesure que les conceptions deviennent plus exclusivement stratégiques. L’histoire relate cependant, à ce sujet, quelques rares exemples de surprises à grands résultats, telles que le fameux passage des Alpes par Bonaparte en 1800,les brillants exploits du grand Électeur contre les Suédois, de la Franconie à la Poméranie et de la Mark au Pregel, en 1675 et en 1679, et la campagne de 1757. Pour le cas, plus rare encore, où un État se laisse absolument surprendre par l’attaque au début d’une guerre, nous pouvons citer l’irruption du grand Frédéric en Silésie. Dans chacune de ces trois circonstances le succès fut énorme. Mais il ne faut pas s’y tromper, ce sont là des événements dont on ne trouve que fort peu d’exemples dans l’histoire, et qu’il faut bien se garder de confondre avec le cas tout différent où, comme la Saxe en 1756 et la Russie en 1812, un État, par manque d’activité et d’énergie, se laisse devancer dans ses préparatifs de guerre.

Nous terminerons par quelques remarques essentielles.