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chap. ix. — la surprise.

sée par les circonstances qui l’accompagnent. Or ce sont là des conditions qui ne se présentent pas souvent d’elles-mêmes, et que le commandement n’est que rarement en état de faire naître.

Les deux grands hommes de guerre que nous venons de citer vont, de nouveau, nous fournir chacun un exemple à ce propos.

Il n’est pas de marche forcée d’une durée de 48 heures qui ait produit de plus grands résultats que celle qu’exécuta Bonaparte contre Blücher en 1814, quand l’armée de celui-ci, séparée du gros des Alliés, descendit la Marne sur une étendue de trois journées de marche. Surprise dans cet ordre, elle fut battue en détail et subit des pertes égales à celles d’une défaite en bataille rangée. Si Blücher eût cru à la possibilité d’une attaque si soudaine, il n’y a pas de doute qu’il eût pris d’autres dispositions de marche. Toujours est-il qu’il commit cette imprudence. Sans cette faute de son adversaire, Bonaparte n’eût pas rencontré de conditions si favorables, et, par suite, c’est bien plutôt à l’effet même de la surprise qu’aux moyens employés pour la réaliser, qu’il convient d’attribuer la grande portée de l’opération.

Quant à Frédéric le Grand, des circonstances non moins favorables lui assurèrent le gain de la belle bataille de Liegnitz en 1760. Bien qu’il n’eût pris position que fort tard dans la journée du 14 août, il jugea nécessaire d’en changer dans la nuit même. Pour cacher cette manœuvre à l’ennemi, il eut soin, cependant, de faire entretenir les feux du bivouac qu’il abandonnait ainsi. Cette ruse eut un succès complet, de sorte que, lorsqu’au point du jour, le 15, Laudon quitta son camp pour se porter sur le flanc de la position où il croyait trouver les Prussiens, il vit tout à coup ceux-ci rangés en bataille devant lui. Ainsi surpris dans leur ordre de