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chap. xii. — union des forces dans le temps.

voies diverses, une supériorité numérique plus considérable eût permis de réaliser.

Nous avons encore un point important à prendre en considération. Dans la tactique il est assez facile de se rendre approximativement compte du chiffre des forces nécessaires à l’obtention du résultat maximum de chacun des engagements partiels dont le combat se compose dans son entier, ce qui détermine aussitôt le nombre des forces en excédent.

Dans la stratégie où les résultats ont incomparablement moins de précision et sont beaucoup plus longs à réaliser, il est pour ainsi dire impossible d’apprécier et par conséquent de déterminer d’avance le nombre des forces qu’il y faudra consacrer. Il suit de là que ce qui, dans la tactique, peut être considéré comme un excédent de forces, ne le doit être, dans la stratégie, que comme un moyen d’étendre le résultat lorsque l’occasion s’en présente. Or la grandeur du gain réalisé étant en raison du résultat obtenu, on voit que l’on en peut ainsi promptement arriver à une puissance d’action et à une prépondérance que la plus attentive économie des forces ne saurait jamais procurer.

C’est uniquement par suite de l’extrême supériorité de ses forces que Bonaparte, en 1812, réussit à atteindre Moscou et à s’emparer de cette capitale centrale de l’empire, et si, à la bataille de Borodino (la Moskowa), cette supériorité numérique eût encore été assez marquée pour lui permettre de détruire entièrement l’armée russe, il eût, selon toute vraisemblance, imposé à l’empereur Alexandre, à Moscou, une paix qui, de quelque autre manière que ce fût, eût été plus difficile à obtenir. Nous ne cherchons ainsi qu’à jeter de la clarté sur l’idée que poursuivait Bonaparte, et non à la justifier, ce qui exigerait un développement circonstancié qui ne serait pas ici à sa place.