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Page:Clausewitz - Théorie de la grande guerre, II.djvu/174

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la défensive.

Nous sommes loin de prétendre que, sans les Pyrénées, l’Espagne serait plus forte contre une invasion venant de la France, mais nous affirmons que, dans cette éventualité, une armée espagnole, qui se sentirait assez solide pour risquer une bataille décisive, ferait mieux de prendre position en arrière de l’Èbre que de morceler ses forces dans les quinze passages que présente la traversée des Pyrénées. Or cela ne fait nullement disparaître l’influence que ces montagnes auraient de prime abord, et qu’elles conserveraient pendant une grande partie de la durée d’une guerre d’invasion. Nous en dirons autant d’une armée italienne par rapport aux Alpes. Si cette armée se morcelait pour défendre les points de passage de ces hautes montagnes, elle serait certainement culbutée par un adversaire entreprenant, sans alternative de victoire et de défaite, tandis que si, abandonnant cette mission à une partie subordonnée de ses troupes, elle portait et réunissait le gros de ses forces dans la plaine de Turin, elle conserverait toutes les chances que présente une formation normale. En pareil cas, l’envahisseur ne regarderait certainement pas comme une opération sans gravité, d’avoir à effectuer le passage d’une chaîne de montagnes de cette importance, pour les laisser sur ses derrières et se porter ensuite à l’attaque des positions choisies par la défense dans la plaine. En admettant même que le sort des armes lui fût favorable dans la bataille qu’il viendrait ainsi chercher, le fait qu’il aurait forcément à assurer ses lignes de communications et de retraite à travers la montagne avant de songer à se porter plus en avant, le contraindrait momentanément à prendre à son tour un rôle défensif dans lequel le terrain montagneux lui serait bien autrement défavorable qu’il ne l’aurait été, dans le principe, pour le défenseur. Si la guerre se prolongeait dans ces condi-