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la défensive.

dans une activité insuffisante et par cela même improductive. La défense gagne du temps, par contre, et acquiert par conséquent chaque jour une puissance nouvelle. La mauvaise saison arrive enfin, l’agresseur de plus en plus affaibli abandonne l’attaque, et, par crainte de la réaction de la défense, en est réduit à aller prendre ses quartiers d’hiver sur son propre théâtre de guerre.

Ce tissu d’idées fausses passe dans l’histoire et, bien que l’insuccès final ne soit incontestablement et uniquement ici pour l’attaque que le résultat de la crainte que lui ont inspirée les armes de la défense, les historiens s’évertuent à attribuer à de tout autres causes ce manque de solution par les armes. C’est ainsi que lorsque la critique veut approfondir un pareil sujet, elle s’épuise dans la recherche d’une quantité de motifs et de contre-motifs qui, par la raison que le mobile qui a dirigé l’action est toujours resté inavoué, ne concluent à rien de logique. Ce n’est donc qu’en reprenant l’étude de ces campagnes dès leur origine, qu’on peut arriver enfin à la découverte de la vérité.

Il faut reconnaître d’ailleurs que bien souvent les gouvernements se voient contraints par la nature même des circonstances à égarer ainsi l’opinion publique. Nous avons déjà parlé de l’influence incontestable que les rapports politiques internationaux exercent sur les guerres modernes. Les nécessités que ces rapports créent aux belligérants constituent parfois de véritables raisons d’État qui, comme telles, doivent rester un secret pour le monde et pour l’armée, et dont fréquemment le général en chef lui-même n’a pas la clef. Quel est, en effet, le gouvernement qui osera jamais avouer qu’il interrompt tout à coup l’attaque qu’il a entreprise parce qu’il a tout d’abord trop présumé de ses propres forces et qu’il craint de se créer de nouveaux adver-