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Page:Clausewitz - Théorie de la grande guerre, III.djvu/113

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le plan de guerre.

prend l’une ou l’autre de ces formes, elle n’en vise pas moins toujours les mêmes fins dernières, c’est-à-dire le renversement ou l’anéantissement de l’adversaire.

Nous avons ainsi tout d’abord étudié la guerre dans chacune de ses parties, et il ne nous reste plus maintenant qu’à la considérer dans son ensemble. C’est ce que nous allons faire dans ce dernier livre tout entier consacré au plan de guerre ou de campagne.

Nous allons donc traiter des questions les plus graves de la haute stratégie, et ce n’est pas sans quelque crainte que nous abordons cette dernière partie de notre travail.

Lorsqu’on lit les récits que les grands généraux font de leurs campagnes, lorsqu’on les voit mettre en mouvement des centaines de mille hommes avec autant d’aisance que s’il ne s’agissait que de leur propre personne, lorsqu’on les entend déduire les motifs qui les font agir des considérations les moins compliquées et parfois même attribuer leurs actions à un simple mouvement de leur instinct, rien ne paraît si facile que la conduite d’une armée et la guerre semble se réduire aux proportions d’un combat singulier. Mais, lorsqu’il s’agit d’établir une théorie et par conséquent d’exposer toutes ces choses systématiquement et dans leur entier et de ramener chaque action à un motif logique suffisant, l’esprit se trouble en présence du grand nombre des situations et des combinaisons différentes, et l’on se sent irrésistiblement pris de la crainte de ramper toujours dans les bas-fonds des notions élémentaires sans jamais atteindre les régions supérieures où le grand général trouve la liberté qui lui est nécessaire pour dominer les événements, embrasser toute la guerre d’un seul coup d’œil et déterminer la direction qu’il doit suivre et dont rien ne le pourra désormais détourner.