Page:Clausewitz - Théorie de la grande guerre, III.djvu/213

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
210
le plan de guerre.

ment être, on n’en saurait accuser la profondeur même qu’il donna à l’attaque, — il ne pouvait réussir qu’en agissant ainsi, — il le faut attribuer à la fois à son entrée tardive en campagne, à sa tactique meurtrière, au peu de souci qu’il prit des moyens de subsistance, à la mauvaise organisation de ses lignes de retraite, et enfin à l’hésitation qu’il apporta à abandonner Moscou.

Le fait que les Russes parvinrent à devancer les Français sur la Bérésina et à les couper formellement de leur ligne de retraite ne constitue pas un argument considérable contre notre manière de voir. En effet :

1o Cette opération a précisément fait ressortir combien il était difficile de tourner réellement une armée, car, malgré tous les efforts des Russes, les Français, qui se trouvaient dans les conditions les plus défavorables, parvinrent néanmoins à se faire jour, de sorte que, si l’opération a concouru à augmenter la catastrophe, elle n’en a du moins nullement été la cause efficiente.

2o L’exceptionnelle disposition de la contrée, les rives boisées et impraticables de la Bérésina, les marais qui s’étendent sur ses bords et qui coupent la direction des routes prêtèrent ici un rare concours aux Russes, et leur permirent seuls de pousser aussi loin l’opération.

3o Enfin, on ne peut en général se garantir contre une pareille éventualité qu’en donnant une certaine largeur au front de marche, procédé que nous avons déjà condamné par la raison que, si l’on en arrive ainsi à avancer par le centre en se couvrant à droite et à gauche par des corps d’armée laissés plus en arrière, au moindre échec de l’un de ces corps il faut nécessairement faire rétrograder le centre au plus vite, et qu’ainsi conduite l’attaque ne peut pas produire grand’chose.

On ne saurait accuser Bonaparte d’avoir négligé ses