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Page:Clausewitz - Théorie de la grande guerre, IV.djvu/105

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du danger à la guerre.

Personne ne parcourra tous ces degrés d’intensité diverse du danger sans sentir que la lumière de la pensée se meut ici par d’autres moyens et se brise en d’autres rayons que dans les activités spéculatives, et qu’il faudrait être doué d’une force d’âme bien extraordinaire pour conserver la faculté de prendre immédiatement une résolution, lorsqu’on se trouve pour la première fois soumis à une pareille épreuve. L’habitude, il est vrai, émousse promptement ces impressions, et au bout d’une demi-heure en général, parfois plus et parfois moins selon son tempérament, l’homme devient plus indifférent à tout ce qui l’entoure, sans que, dans les natures ordinaires, cela aille cependant jusqu’à l’insouciance absolue et à la possession complète de soi-même. On voit ici encore que, sans les aptitudes supérieures de l’âme et de l’intelligence dont nous avons parlé plus haut, on n’arrive à rien de grand à la guerre, ce qui est d’autant plus vrai que la sphère d’action est plus vaste et le but à atteindre plus élevé.

Énergie stoïque, enthousiasme, ambition impérieuse, bravoure innée et longue habitude du danger, il faut tout cela réuni pour que, dans un pareil milieu, l’activité ne reste pas de beaucoup au-dessous du degré auquel, dans les méditations du cabinet, il peut sembler qu’on la pourra porter.

Nous avons dû parler ici du danger, parce qu’il constitue l’un des frottements qui gênent le fonctionnement normal de l’instrument de guerre, et qu’il importe, par suite, de se rendre exactement compte de l’influence qu’il exerce à ce propos.