Page:Cleland - La Fille de joie (éd. 1786).djvu/16

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ter le prix, & pour cultiver un eſprit, qui naturellement n’étoit pas dépravé, qui, même parmi les diſſipations, où je me vis entraînée, ne laiſſa point de former des obſervations ſur les mœurs & les caracteres des hommes ; obſervations peu communes aux perſonnes de l’état où j’ai vécu, leſquelles, ennemies de toute réflection, les banniſſent pour jamais, afin d’éviter les remords qu’un retour ſur elles-mêmes feroit naître dans leurs cœurs.

Haïſſant auſſi mortellement que je le fais, toute préface inutile, je ne te ferai point languir par un exorde ennuyeux ; je te dois ſeulement avertir que je retracerai toutes mes actions avec la même liberté que je les ai commiſes.

La vérité guidera ma plume. Je ne prendrai même point la peine de couvrir de la plus legère gaze mes crayons : je peindrai les choſes d’après nature, ſans craindre de violer les loix de la décence,