Page:Cleland - La Fille de joie (éd. 1786).djvu/17

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qui ne ſont pas faites pour des perſonnes auſſi intimément amies que nous. D’ailleurs tu as une connoiſſance trop conſommée des plaiſirs réels, pour que leur peinture te ſcandaliſe. Tu n’ignores pas que les gens d’eſprit & de goût ne font nul ſcrupule de décorer leurs cabinets de nudités de toute eſpece, quoique, par la crainte qu’ils ont de bleſſer l’œil du vulgaire, ils n’aient garde de les expoſer dans leurs ſallons.

Paſſons à mon hiſtoire. On m’appelloit, étant enfant, Francis Hill. Je ſuis née de parens fort pauvres, dans un petit Village près de Liverpool Lancashire.

Mon pere, qu’une infirmité empêchoit de travailler aux gros ouvrages de la campagne, gagnoit à faire des filets, une très-médiocre ſubſiſtance, que ma mere n’augmentoit guères en tenant une petite école de filles dans le voiſinage. Ils avoient eu pluſieurs enfans, dont j’étois reſtée ſeule.