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Page:Cleland - La Fille de joie (éd. 1786).djvu/200

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„ Mon pere, quoique fort pauvre, me mit cependant en nourrice chez une campagnarde, juſqu’à ce que ma mere, qui s’étoit retirée à Londres, s’y maria, à un pâtiſſier, & me fit venir comme l’enfant d’un premier époux, qu’elle diſoit avoir perdu quelques mois après ſon mariage. Sur ce pied, je fus admiſe dans la maiſon, & n’eus pas atteint l’âge de ſix ans, que je perdis ce pere adoptif, qui laiſſa ma mere dans un état honnête, & ſans enfans de ſa façon. Pour ce qui regarde mon pere naturel, il avoit pris le parti de s’embarquer pour les Indes, où il étoit mort fort pauvre, ne s’étant engagé que pour ſimple matelot. Je croiſſois donc ſous les yeux de ma mere, qui ſembloit craindre pour moi le faux pas qu’elle avoit fait : tant elle avoit ſoin de m’éloigner de tout ce qui pouvoit y donner lieu. Mais je crois qu’il eſt auſſi impoſſible de changer les paſſions de ſon cœur que les traits de ſon viſage.