Page:Cleland - La Fille de joie (éd. 1786).djvu/29

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 11 )

que déſeſpérée de la réponſe de cette vieille médaille. Néanmoins, pour me diſtraire, je hazardai de promener mes regards ſur l’honorable cohue dont je faiſois partie, & parmi laquelle j’apperçus une groſſe Dame à trogne bourgeonnée, d’environ cinquante ans, qui avoit les yeux fixés avidement ſur moi comme ſi elle eût voulu me dévorer. Je me trouvai d’abord un peu déconcertée ; mais un ſentiment ſecret d’amour-propre me faiſant interprêter la choſe en ma faveur, je me rengorgeai de mon mieux, & tâchai de paroître le plus à mon avantage qu’il me fut poſſible. Enfin, après m’avoir bien examinée tout ſon ſaoul, elle m’approcha d’un air extrêmement compoſé, & me demanda ſi je voulois entrer en ſervice ? à quoi je répondis qu’oui, avec une profonde révérence.

„ Vraiment, (dit-elle,) j’étois venue ici à deſſein de chercher une fille… je crois que vous pourrez faire mon