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Page:Cleland - La Fille de joie (éd. 1786).djvu/308

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Notre commerce fut fort innocent au commencement, mais il ſe familiariſa peu-à-peu, & changea enfin de nature. Mon ami poſſédoit, non-ſeulement un air de fraîcheur, mais il avoit auſſi tout l’enjouement & toute la complaiſance de la jeuneſſe. Il étoit outre cela excellent connoiſſeur du vrai plaiſir, & m’aimoit avec dignité : ce qui faiſoit oublier toutes ces idées dégoûtantes, que la vuë d’un vieux galant fait naître ordinairement.

Pour couper court, ce bon homme me prit chez lui, & je vécus pendant huit mois fort contente ; lui donnant de mon côté toutes les marques d’amour & d’amitié qu’il pouvoit prétendre : ce qui me l’attacha de telle ſorte, que mourant peu de tems après, d’un froid qu’il gagna, en courant une nuit à un incendie du voiſinage, il me nomma ſon héritiere, & l’exécutrice de ſes dernieres volontés.