Page:Cleland - La Fille de joie (éd. 1786).djvu/85

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pas poſſible d’exprimer l’impreſſion ſubite que fit ſur moi cette charmante vue. Non, cher & doux objet de mes tendres inclinations, je n’oublierai jamais cet inſtant fortuné où mes yeux émerveillés t’adorerent pour la premiere fois… il me ſemble que je te revois encore dans la même attitude.

Figure-toi, ma bonne amie, un garçon de dix-huit à dix-neuf ans, fait au moule, & beau comme les Anges, ou plutôt rappelle-toi toutes les graces du fils de Vénus, & l’état raviſſant ou la tendre Pſiché le ſurprit lorſqu’elle le trouva endormi. Le cœur me battoit ; je tremblois de tous mes membres ; dans la perplexité où j’étois, je ne ſavois quel parti prendre ; je n’aurois pas voulu, pour tous les biens du monde, laiſſer échapper l’occaſion de lui parler, & cependant je n’oſois tenter l’aventure, tant j’étois retenue par la crainte. Enfin, mon amour m’enhardit ; je lui pris doucement