Page:Cleland - La Fille de joie (éd. 1786).djvu/87

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je ne pouvois reſter plus long-tems en ſa compagnie, & que, peut-être, je ne le reverrois de mes jours ; ce que je ne pus proférer ſans laiſſer échapper un ſoupir du fond du cœur. Cet aimable garçon, qui, à ce qu’il m’a avoué depuis, n’avoit pas moins été frappé de ma figure que moi de la ſienne, me demanda précipitamment ſi je voulois qu’il m’entretînt, ajoutant qu’il me mettroit en chambre ſur le champ, & payeroit ce que je devois dans la maiſon. Quelque folie qu’il y eût à accepter une pareille offre de la part d’un inconnu, qui étoit trop jeune pour qu’on pût, avec prudence, ſe fier à ſes promeſſes, le violent amour, dont je me ſentois épriſe pour lui, ne me laiſſa point le tems de délibérer. Je lui répondis toute tremblante, que je me jettois entre ſes bras, & m’abandonnois aveuglément à lui, ſoit qu’il fût ſincere ou non. Il y avoit déja quelque tems, que, pour ne pas courir les mauvais hazards de la ville,