Page:Cleland - La Fille de joie (éd. 1786).djvu/90

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d’œil, j’attendis avec autant d’impatience que de crainte, le moment heureux de ma délivrance. Il arriva enfin, ce délicieux moment. Alors, encouragée par l’amour, je deſcendis ſur la pointe du pied, & gagnai la porte, dont j’avois eſcamoté la clef à Phébé. Dès que je ſus dans la rue, je découvris mon Ange tutelaire qui m’attendoit. Voler comme un trait à lui, ſauter dans le carroſſe, me jetter à ſon cou, & fouette cocher ; tout cela ne fut qu’un.

Un torrent de larmes les plus douces que j’aie verſées de ma vie, coula immédiatement de mes yeux. Mon cœur étoit à peine capable de contenir la joie que je reſſentois de me voir entre les bras d’un ſi beau garçon. Il me juroit, chemin faiſant, dans les termes les plus paſſionnés, qu’il ne me donneroit jamais ſujet de regretter la démarche où il m’avoit embarquée. Mais, hélas ! quel mérite y avoit-il dans cette démarche ?