Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/21

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jolie. La seconde vint pire que la première, et je la renvoyai ainsi que dix autres qui vinrent à la suite, charmé de voir que mon goût difficile amusait le maître, qui me tenait toujours compagnie.

« — Je ne veux plus de filles, lui dis-je ; je ne veux que bien dîner. Je suis sûr que le pourvoyeur s’est moqué de moi pour faire plaisir aux porteurs.

« — C’est très possible, monsieur, et cela leur arrive souvent, quand on ne leur donne pas le nom et la demeure de la fille que l’on veut. »

Casanova raconta à lord Pembroke sa mésaventure :


« Il partit d’un grand éclat de rire quand je lui dis qu’à Star-tavern j’avais renvoyé une vingtaine de filles sans m’accommoder d’aucune, et qu’il était la cause de mon désappointement.

« — Je ne vous, ai pas dit le nom de celles que j’envoie chercher, et j’ai eu tort.

« — Oui, vous auriez dû me le dire.

« — Mais, ne vous connaissant pas, elles ne seraient pas venues, car elles ne sont pas à la disposition du pourvoyeur. Promettez-moi de les payer comme moi, et je vous donnerai des billets qui les feront venir.

« — Pourrai-je aussi les avoir ici ?

« — À votre choix.

« — Eh bien, cela me convient mieux, faites-moi des billets et donnez la préférence à celles qui parlent français.

« — Voilà le mal ; les plus belles ne parlent qu’anglais.

« — Faites toujours ; pour ce que je veux en faire, nous nous comprendrons. »

« Il écrivit plusieurs billets à quatre et à six guinées ; une seule était marquée douze.