Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/33

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« Lucy Cooper avait coutume de venir fréquemment dans ce séjour de prostitution : non qu’elle eût l’intention de disposer de ses charmes à un prix aussi vil que celui de cet endroit, ni qu’elle y fût conduite par la nécessite ; car elle était alors élégamment entretenue par feu le baronnet Orlando Brn, un vieux débauché, qui était si enchanté de ses reparties qu’il l’aurait épousée si elle n’eût pas eu la générosité de refuser sa main, pour ne point couvrir sa famille de déshonneur. Quoiqu’il ne lui laissât manquer de rien et qu’il eût pour elle tous les soins imaginables, la voiture de Lucy était souvent pendant vingt-quatre heures, et quelquefois plus, arrêtée à la porte de Weatherby. D’après ce récit, le lecteur est sans doute curieux de savoir ce qui la portait à fréquenter cette maison de débauche, plutôt que de rester dans son hôtel. La dissipation était sa devise ; elle haïssait le baronnet, et chez Weatherby elle était sûre d’y rencontrer Palmer l’acteur, Bet Weyms, Alexandre Stevens, Derrick et autres esprits dont la compagnie lui était agréable.

« À. la retraite du vieux baronnet, les affaires de Lucy prirent une tournure bien différente ; elle ne donna plus de dîners au beau Tracey ni au roi Derrick qui était dans la plus grande misère. Sa Majesté a compté plus d’une fois les arbres du parc pour un repas ; mais si quelque connaissance amicale ne prenait pas compassion de lui et ne l’invitait pas à se rendre à son logis, alors il faisait le tour de la cuisine de Lucy ou de Charlotte Hayes. À cette époque, cette dernière dame était entretenue par Tracey, un des hommes les plus dissipés du siècle par rapport au beau sexe ; il avait cinq pieds neuf pouces de haut ; sa taille était celle d’un Hercule et sa contenance tout à fait agréable ; l’extravagance de sa parure lui avait fait donner l’étiquette de beau Tracey. Abstraction de ses qualités pour les femmes, c’était un