Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/73

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auberges où les diligences, les carrosses ou autres voitures publiques étaient attendus, et là, par ses insinuations adroites et sous prétexte de procurer des places aux jeunes filles de campagne et autres demoiselles qui se proposaient de servir, elle obtint bientôt un joli assortiment des marchandises les plus fraîches que l’on pût trouver dans Londres.

« Mme Nelson triompha alors de ses rivales. Mme Goadby, en son particulier, devint si jalouse d’elle que, dans le dessein d’établir son séminaire sur le même pied que celui de Mme Nelson, elle fit le tour de l’Angleterre et fut assez heureuse pour amener avec elle une jolie provision de nouvelles marchandises, qu’elle se proposa de présenter à ses convives lors de la rentrée du Parlement.

« Mme Nelson n’eut pas plus tôt appris le but du départ de sa rivale que cette nouvelle, loin de la décourager, excita dans son cœur l’émulation la plus forte de surpasser les projets de Mme Goadby ; elle mit une fois de plus son génie imaginatif en marche ; elle avait une légère connaissance de la langue française, elle avait appris dans sa jeunesse à travailler à l’aiguille ; ayant donc lu dans les papiers un avertissement pour être gouvernante dans une école de jeunes filles, elle fit en conséquence les démarches nécessaires pour avoir cet emploi, et fit tant que par son habileté elle en obtint la place. Comme son dessein n’était pas d’exercer longtemps cette fonction, elle n’essaya point d’améliorer l’éducation des jeunes demoiselles en leur enseignant les bonnes mœurs’ ; au contraire, elle s’efforça de corrompre leur esprit en leur parlant des plaisirs agréables que l’on goûtait dans les caresses d’un beau jeune homme, et en leur donnant à entendre que c’était folie et préjugé de croire qu’il y avait du crime à céder à leurs passions sensuelles. Dans cette vue, elle leur mit entre les mains tous les livres