Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/74

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qu’elle jugea convenables à éveiller leur inclination lascive et à leur faire naître les idées les plus impudiques. Les Mémoires d’une fille de joie et autres productions du même genre leur furent secrètement communiqués ; elles les lisaient avec avidité. Quand elle vit qu’elle avait suffisamment animé leurs passions et qu’elle avait fait passer dans leurs sens le désir invincible de la flamme amoureuse, un jour, sous le prétexte de prendre l’air, elle se rendit avec deux des plus belles filles de l’école dans sa maison située dans Wardour-Street. Ces deux jeunes demoiselles, qui s’appelaient Miss Wms et Miss Jnes, étaient âgées d’environ seize à dix-sept ans et appartenaient à de très bonnes familles.

« Mme Nelson avait antérieurement prévenu le lord B… et M. G… de se tenir prêts à recevoir ces aimables personnes. Elles ne furent pas plus tôt entrées dans cette maison qu’elles trouvèrent une collation servie ; il y avait des fruits et des confitures en abondance. Mme Nelson informa les jeunes demoiselles qu’elles étaient chez une de ses parentes et qu’elle les priait d’agir librement et sans cérémonie ; en conséquence, Miss W…ms et Miss J…nes se livrèrent à leur appétit avec beaucoup de satisfaction ; on les engagea à boire un ou deux verres de vin, ce qui anima leur esprit. Mme Nelson jugea alors qu’il était temps d’introduire les gentilshommes ; et quoiqu’ils fussent déjà dans la maison, un coup à la porte annonça leur arrivée ; en entrant dans l’appartement, ils demandèrent excuse du trouble qu’ils causaient ; les jeunes demoiselles furent d’abord alarmées mais la politesse des gentilshommes dissipa bientôt leurs craintes, et on parla agréablement de différentes choses.

« Il commençait déjà à se faire tard, et les jeunes personnes étaient en quelque sorte inquiètes de savoir comment elles pourraient regagner la pension, qui était au-delà de Kensington ;