Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/76

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de les reconduire à leur maîtresse et de donner elle-même quelque raison plausible en leur faveur ; elles la supplièrent, les larmes aux yeux, de les accompagner, mais le jeu de Mme Nelson était trop beau ; elle avait entièrement les cartes entre les mains ; elle en avait déjà joué un sans prendre et avait gagné deux cents guinées ; elle espérait avec de telles dames en avoir encore quelques mille. Mais, en peu de temps, les parents des jeunes demoiselles apprirent l’endroit où elles étaient retenues ; ils obtinrent du juge voisin un ordre de les rendre et intentèrent un procès contre Mme Nelson.



« Les démarches rigoureuses que les parents de Miss W…ms et de Miss J…nes prirent envers Mme Nelson pour la citer en justice la forcèrent de décamper : le bruit que cette affaire fit dans le voisinage engagea plusieurs voisins à porter plainte contre cette maison de débauche, et si Mme Nelson eût continué plus longtemps son commerce, elle aurait probablement monté à la tribune, non pas pour prêcher, mais pour prier la populace de ne pas la régaler d’œufs durs.

« Au bout de quelques mois Mme Nelson, ayant vu qu’il n’y avait point de poursuite contre elle, prit un autre séminaire dans Bolton-Street, Piccadilly. Elle résolut de jouer à un jeu plus assuré que celui qu’elle avait joué dans Wardour-Street ; dans cet endroit, elle avait été trop loin, avait trop risqué et avait presque tout perdu ; elle jugea alors qu’il était prudent de ne pas s’élever au-dessus des filles de joie sur le haut ton.

« Au nombre de ses nonnes, dans la dernière classe,