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Page:Clemenceau-Demosthene-1926.djvu/100

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DÉMOSTHÈNE

les chefs du parti de l’indépendance. Il va de soi que Démosthène est en première ligne et que le triste Phocion conseille impudemment l’acte de suprême déshonneur, en déclarant à Démosthène que l’heure est venue pour lui de mourir. Athènes, tremblante, n’ose pas descendre si bas. Une honte éternelle se préparait pour Alexandre, quand on ne sait quel sursaut d’une âme, troublée d’hellénisme, désarma sa colère.

Non moins étrangement, à cette heure même, le jeune conquérant rêveur, en qui s’allièrent toujours de cruels mouvements d’implacabilité aux rêves d’une imagination prompte à le jeter dans la folle aventure de l’Inde, semble avoir entrevu la vanité de ses victoires au travers du voile des destinées. L’homme qui allait être dévoré par sa conquête, eut comme une lueur du sort inexorable. Quel suprême revers d’en être réduit à souhaiter la couronne au plus digne, dans l’incapacité de se désigner, lui-même, un successeur ! Pour trouver le continuateur de son « œuvre », au moins aurait-il fallu qu’il fût en état de s’examiner, de se de se comprendre lui-même, alors que le désordre du succès au jour le jour, sans but déterminé, ne pouvait lui laisser le temps de s’observer. Et, pourtant, voici qu’au moment de régler son dernier compte avec Athènes, Alexandre eut une vision de l’avenir que, de ses mains inconscientes,