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Page:Clemenceau-Demosthene-1926.djvu/110

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DÉMOSTHÈNE

silence qu’il se réservait, à lui seul, le droit d’interpréter. Cependant, la foudre s’est abattue sur le Maître. Le grand libérateur, qui n’avait survécu à Chéronée que pour être abattu par Athènes, se trouve soudainement debout, et son premier geste est de marcher à l’ennemi.

Athènes ne pouvait supporter plus longtemps l’injure inexpiable qu’elle s’était faite à elle-même. Comme les individus, les peuples peuvent chercher dans l’injustice l’avantage d’un jour. Comme les individus, ils se repentiront de leur faute, dans la mesure où ils découvriront un intérêt à la proclamer. Point de verbe, point de geste de théâtre qui ne se présente alors pour réparer l’irréparable ou atténuer, s’il est encore possible, l’événement par des mots. Les déclamations sur l’ingratitude des monarques ou des peuples sont pure vanité. L’homme capable de se donner tout à une grande cause n’attendra jamais de la « vertu » d’autrui une récompense qui, parce qu’elle est de rémunération, ne pourrait, à ses propres yeux, que le diminuer. On ne manquera jamais d’aimer, de célébrer les gens quand on aura trop clairement besoin d’eux. Il n’y a pas plus lieu de s’en glorifier que d’en faire un texte de récrimination lorsque le vent aura tourné. L’irréparable est dans la faute d’avoir méconnu le moment où la patrie n’avait pas trop de ses plus fermes serviteurs. Car cette