Aller au contenu

Page:Clemenceau-Demosthene-1926.djvu/122

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
120
DÉMOSTHÈNE

vie est une persévérance. La Grèce flambe d’idéalisme pour ne nous laisser que les cendres, toujours chaudes, du plus bel effort de civilisation. Dans les grandeurs et les défaillances de sa patrie, Démosthène connut surtout l’âpre joie de se dépenser tout entier, sans jamais s’exalter de lui-même, sans jamais se laisser atteindre par les plus cruelles déceptions. Le monde est une comparaison de forces où le plus violent peut être le plus faible, s’il ne dispose pas du temps qui fait la vertu de l’idée. Démosthène n’a triomphé qu’après sa mort. Mais il ne fut pas une heure de son vivant où il ait douté de l’avenir. Qu’importe l’accident d’une défaite à qui n’y voit qu’un préliminaire de succès ?

Qui pourrait dire dans quelle mesure agissent sur nous les leçons de l’histoire, — même celles dont on fait le plus de bruit ? Le métier de quelques-uns est d’instituer des doctrines nécessairement variables selon les lieux et les temps. Des formules tombent de la chaire. Des mots, des mots, si l’action ne suit pas. Les continents se peuplent, les « civilisations » se succèdent. Chacun de se présenter pour conduire, et la foule de prendre tôt ou tard ses revanches du hasardeux conducteur. Sur les mots on s’accorde : voyez Démosthène et Athènes. Au delà, trop souvent, rien que des désaccords : voyez les mêmes person-