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Page:Clemenceau-Demosthene-1926.djvu/124

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DÉMOSTHÈNE

hommes, n’ont de valeur, pour nous, que par leur interprétation. Plus nous ferons de lumière sur les grandes existences du passé, plus nous éclairerons les spectacles de notre propre vie. Combien pareils, et combien différents ! Les grandes vies nous entr’ouvrent des avenues de lumière dans toutes les directions.

Démosthène et tant d’autres, raidis dans les glaces du passé, nous convient encore à méditer sur des grandeurs et des faiblesses qui sont nôtres par tant de côtés. L’aventure macédonienne a cela d’admirable qu’elle met aux prises, à égalité de génie, les champions symboliques de l’avenir et du passé. Démosthène, au combat jusque dans la mort, a la charge des civilisations qui se préparent, — comparable au Titan vaincu du Caucase, porteur du feu sacré. Philippe et Alexandre sont des modèles du dominateur condamné par le désordre de leur puissance à ne léguer que des agitations d’impuissance à la postérité. Le vrai conquérant ne peut finir que comme Philippe, Alexandre ou Napoléon. Belle matière à oraison, comme disait Renan, expert en l’art d’oraisonner.

Au champ de Gettysburg, Abraham Lincoln, qui fut à sa façon un Démosthène heureux, osa dire qu’il n’était pas au pouvoir des vivants d’honorer les grands morts, mais qu’il leur était loisible de