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Page:Clemenceau-Demosthene-1926.djvu/62

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DÉMOSTHÈNE

remise. C’est un commencement. Entre autres vertus de gouvernement, le rusé Macédonien a celle de savoir attendre. Pendant des années, dans sa capitale, Pella, il s’oublie, ou paraît s’oublier en jeux, en fêtes, en débauches, à la façon de l’Orient. Qui voudra s’y tromper s’y trompe. Philippe n’est peut-être encore qu’un grand agité méconnu, content du bruit dans la conquête et même dans l’inaction. Démosthène, cependant, a vu clair, et quelques autres avec lui. Mais s’il n’est pas le seul à comprendre, il est le premier à dénoncer les projets du conquérant. La Philippique a lancé ses foudres. Voici l’envahisseur démasqué.

Disputée d’Athènes à Thèbes, l’Eubée était un champ de dissensions où Philippe faisait mine d’avoir affaire. Eubule propose une expédition qui paraissait facile, à laquelle Démosthène s’oppose malgré les cris de la foule soulevée contre lui. Phocion cerné, près d’Erétrie, se dégage péniblement, mais l’Eubée est perdue. Démosthène avait fait la campagne sous Phocion, pour qu’on ne pût pas l’accuser d’avoir cédé à la peur en déconseillant la folle entreprise. Rien ne caractérise mieux l’esprit athénien que la loi proposée par Eubule — et votéepunissant de mort quiconque oserait demander que l’on employât l’argent des fêtes à des dépenses de guerre. Cela n’en disait-il pas assez