ensemble — polythéisme ou monothéisme — après avoir passé par la suite des originelles idolâtries. La structure de la langue me paraît simplement demander une procédure différente des mêmes opérations de mentalité profonde pour arriver aux mêmes fins.
Comme je l’ai noté, la manifestation des phénomènes suscite en nous l’idée d’une Puissance que nous supposons volontaire par analogie avec ce qui se passe en nous. Pour l’exprimer, l’Aryen peut prendre l’attribut physique à dramatiser, et le Sémite, l’attribut non figuré, faute d’une suffisante fertilité d’imagination. Sans le secours des images pour rêver, le Sémite se donnera (et nous a même donné) un Dieu hors des déterminations de l’Indo-Européen, qui a pris sa revanche avec sa Trinité, sa sainte famille, et son peuple innombrable de saints évoquant le souvenir des héros légendaires de l’Hellade. Combien d’analogies dans ce qui paraît superficiellement différer !
Le caractère des premières idolâtries sémitiques fut nécessairement conforme, comme partout, aux données provisoires d’une superficielle observation. L’idée abstraite de Puissance demeure, à travers tout, de même effet, puisqu’elle ne diffère de l’anthropomorphisme mythique que par des contours moins précis d’une personnification supérieure où demeurent attachées toutes les violences d’un arbitraire sans frein.
Max Muller nous fait toucher du doigt le contraste d’Eschyle montrant « la pluie qui tombe du ciel amoureux pour féconder la terre », et de Job qui, pour le même effet, charge son Dieu prosaïquement « de crever lui-même les outres du ciel ». Qu’y a-t-il au fond de cette différence ? Richesse, ou pauvreté d’images. De formations diverses, les mêmes états de mentalité ne pouvaient manquer de se rejoindre pour suivre le même cours. Combien plus simple et plus difficile en même temps de dire tout uniment : « Il pleut[1]. »
Le mythe n’est donc que l’affabulation métaphorique des phénomènes représentés par de fictifs personnages d’abstraction vivifiée, dont les activités individuelles manifesteront les rap-
- ↑ Jupiter pleut disait le Latin. Notre Il, sans que les chrétiens s’en tourmentent, est resté là pour rappeler le Dieu païen. Il semble bien, en effet, que la métaphore ait dû précéder l’abstraction. En quelque forme que ce soit, nous assistons là à la mise en train du même phénomène : la vivification d’une image réalisée.