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AU SOIR DE LA PENSÉE

laires, vont s’entre-croiser, se confondre, se dénaturer ! Quels assauts d’hypothèses ! Quelles inductions de cinématographie ! Quelles inférences des élans de métaphysique qui ont donné, par le moyen du mot, toutes formes de personnalité à de simples appellations ! Tout cela, cependant, n’est rien de moins que le signe des premières réactions de sensibilité humaine dont la trame profonde réalise les directions originelles des connaissances et des méconnaissances mêlées.

Regardez-les dérouler leurs cortèges, ces personnages de surhumanité en qui s’expriment majestueusement notre arrogante insuffisance, sous l’obsession des mouvements du monde et des interprétations théâtrales où s’attachent les puérilités de nos méconnaissances. C’est le début de nos « compréhensions » imaginatives dont l’évolution doit nous conduire aux installations ultérieures d’expérience confirmée. C’est la grande assemblée de tous les Dieux, déchus Ou prospères, qui ont si puissamment réagi et réagissent encore sur l’homme, leur créateur, aux spectacles de l’univers. Morts, ou animés encore à ce jour, ils avaient reçu tous les dons des figurations de la vie, sauf l’organisme d’existence qui en fait la réalité. Tels quels, ils sont le miroir ou l’homme, les yeux mi-clos, a pu se voir passer, car il s’est dit spontanément lui-même en les Dieux par lui suscités. Pour arriver à se comprendre, il faut qu’il juge d’abord l’œuvre vraiment créatrice en laquelle il s’est manifesté. Dans ses Divinités cruelles ou bienfaisantes, il a marqué des temps de son évolution. Remontant la piste des âges, il nous appartient de retrouver la suite des concordances qui révèlent, dans nos Dieux, nos passages d’humanité, pour induire une vue de l’homme réel d’après les contours du personnage divin figuré.

Des enchaînements reconnus, d’autres devront s’ensuivre. Car nous ne sommes jamais qu’un moment qui s’écoule, et, puisque tous nos moments se commandent, il nous en faut venir à les déterminer d’ensemble par leurs effets. C’est ainsi que nos interprétations relatives demeurent du plus haut prix pour l’accomplissement de nos destinées. Nos personnalités mythiques ont pu charmer les voies, au risque de les brouiller. En elles nous avons dénommé des façons de non-être imaginativement animées. Aussi, du jour où l’observation a pu produire ses témoignages, la cause fut-elle jugée. Quelle qu’ait été votre histoire, ô mythes