Page:Clemenceau - Au soir de la pensée, 1927, Tome 1.djvu/226

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
219
CONNAÎTRE

graphie, physiologiquement par la sensibilité, n’est-ce donc pas même phénoménologie ? À la lumière des analyses et des synthèses de rapports, nous avons vu jaillir l’étincelle d’une conscience du Moi, sensation progressivement formée d’un synchronisme d’ondes comme entre deux diapasons conjugués. Il n’est pas jusqu’aux degrés de méconnaissance qui ne trouvent ici, par des ruptures de synchronisme, leur naturelle explication.

Mieux encore, quand le phénomène de l’évolution va s’imposer à notre analyse des phénomènes mondiaux, au lieu de le voir surgir comme un diable de magie parmi d’autres prodiges, nous y découvrirons tout uniment l’ordre d’une continuité des ondulations vibratoires en des cycles de nouveauxrayons. Dans quelles directions et pour quelles successions de phénomènes, se meut, dans l’infini, le cycle synthétique des évolutions coordonnées ? C’est ce que nous ne saurions concevoir puisque nous n’en pouvons saisir qu’un moment. La courbe nous en serait d’autant plus difficile à tracer, même par voie d’hypothèse, que sa durée lui impose, au calcul des probabilités, des chances de rencontres astrales dont la fréquence entre dans l’ordre du monde, à ce point qu’une mathématique universelle ne manquerait pas de nous l’imposer.

Nous ne savons pas où notre soleil emporte notre terre, et la direction de Véga ne nous est vraiment d’aucun recours puisque la course de Véga elle-même nous est inconnue. À peine en savons-nous assez des astres pour nous plaire peut-être à conjecturer, quelque jour, par quels embranchements des chemins de l’espace ils auront pu passer. Nous sommes embarqués dans un train dont des lignes de stations passées pourraient permettre de prévoir on ne sait quels carrefours si Einstein ne nous en avait plutôt découragés.

Par des détours de méconnaissances redressées, la connaissance a vu reculer devant elle l’accès de « l’inaccessible », mais l’impénétrable inconnu pousse trop loin ses résistances pour les relativités de nos moyens. En prendre son parti et se résoudre à ne savoir que ce qu’on sait, sans renoncer aux sondages du perforateur, ni construire des barricades de mots pour donner figure de connaissance à ce qu’on méconnaît, voilà ce que nous commandent les infrangibles ressorts de notre destinée.