des mots qui n’ont pas de sens, puisque les successions des phénomènes ne se peuvent disjoindre à aucun moment, dans quelque condition que ce soit.
La terre, cependant, nous obsède d’une frénésie de spectacles. La terre orageuse ou sereine, tantôt dans les ardeurs de l’astre éblouissant, tantôt sous le mystérieux scintillement des chœurs lumineux de la nuit. La terre dans la paix heureuse ou les fureurs de ses océans, dans les colères ou le silence, non moins redoutable, de ses feux souterrains. La terre avec ses boules fleuries, ses moissons généreuses, ses frondaisons en fête, ses inquiétantes forêts. La terre avec ses eaux, que nous avons gardées parfois miraculeuses, avec le majestueux glissement de ses fleuves, le chant de ses ruisseaux tressautant aux joyeux cailloux de la rive. La terre avec ses entassements de montagnes neigeuses qui sont d’anciennes tempêtes figées. La terre avec le déchaînement de vie universelle qui nous apporte toutes gammes de vies, de la fleur à l’oiseau, du lichen à l’éléphant. Comment, dans cette universelle débauche de puissances, ne manquerait-il à notre frémissante planète, en sa jeune envolée, que la grâce, trop souvent cruelle, de ses Dieux ?
Si, au lieu d’être chu de l’Empyrée, un jour qu’il pleuvait des créatures, je suis issu de la terre, comme une rencontre passagère de l’éternel enchaînement des phénomènes, je puis, au moins, interroger ma planète en ses aspects divers, rechercher, de chaînon en chaînon, le compréhensible du monde et de moi-même, au risque de me heurter, dans l’ombre, à des murailles d’inconnu.
Alors, ce sable des hautes dunes que le vent disperse ou rassemble, cette monstrueuse masse du flot salé qui va chantant et grondant tour à tour, tantôt brassée par la tourmente, tantôt domptée du ciel pour une paix précaire de violences sourdement contenues, cet abîme sans fond qui cache des tressaillements d’être tandis que le continent orgueilleux met tant de joies à s’en parer, enfin cette voûte de recul infini, tantôt éblouissante et tantôt voilée, ou se poursuivent sans relâche des mondes éteints ou flamboyants, tout cela est de la chaîne d’éléments dont ma propre histoire est issue. Il y a quelque chose de moi dans l’étoile que je ne verrai jamais, il y a quelque chose d’elle au plus profond de moi. Toutes les rencontres de l’heure