puissance vient hélas ! de ce qu’il se passe de démonstration. Combien nous voilà près d’une équivalence d’effondrement ! Tout cela en vue d’un bonheur ou d’un malheur éternels au premier rang de nos préoccupations.
Il se comprend trop bien que Pascal, mathématicien, mais émotif par excellence, s’affole à l’idée (même s’il n’a pas besoin qu’on lui démontre) de ne pouvoir rationnellement démontrer. C’est alors qu’il se réfugie dans le fameux argument du pari qui n’est qu’une manière de sauver les chances de l’indémontrable dans la faillite du rêve mise au compte de la raison.
On a tout écrit du pari de Pascal pour en dénaturer le sens. Jamais, pourtant, le puissant écrivain ne fut si clair ni si hardi. Il a dit, et très bien dit, ce qu’il voulait dire : rien de moins, rien de plus. M. Brunschwigg, savant commentateur, a pris la peine de nous expliquer que lorsque le penseur nous recommande de nous « abêtir », il nous demande « le sacrifice d’une raison artificielle faussement érigée en faculté de vérité absolue… qui n’est, en définitive, qu’une somme de préjugés ». Non, le pari pour ou contre Dieu ne peut, à aucun moment, suggérer ces trop subtiles tentatives d’atténuations. Jamais trahison de traducteur n’aura trouvé plus beau modèle. Si Pascal avait voulu exprimer la pensée que lui impute M. Brunschwigg, il était de taille à le faire. Il a employé le mot propre. C’est la raison raisonnante qui lui fait obstacle. Il n’a cessé de l’humilier, de la proscrire et conclut droitement que nous devons nous en passer au risque de nous « abêtir ». Qu’on ne lui enlève donc pas le bénéfice de sa témérité.
On nous dit que la suggestion du pari est peut-être venue du chevalier de Méré évoquant, dans une lettre à Pascal, l’idée d’un calcul des probabilités. Il se peut. Rien d’ailleurs ne serait plus conforme à l’esprit mathématicien. « Pesons le gain et la perte, en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu’il est, sans hésiter. » Ces paroles sont authentiquement consignées. On n’a pas plus le droit de les reprendre que de les dénaturer.
Comment induire de ce texte la somme approximative de doute qui put se maintenir, à son insu peut-être, dans l’esprit de l’auteur ? Je ne l’essaierai point. Le génie de Pascal fut d’une