méthode mathématiquement rigoureuse, en même temps qu’une rare puissance d’analyse le portait aux décompositions des problèmes. Point de paresse d’esprit, ni d’imagination défaillante pour l’arrêter en chemin. Que faire quand deux solutions s’opposent, et que le choix, comme il le répète si souvent, « ne peut être évité ? » La preuve que nous offre ce sentiment serait-elle qu’il ne demande point de preuve ? Notre penseur consentirait peut-être d’en rester là. Mais le même homme est un savant qui se répand en expériences de physique, lesquelles n’ont de sens que par la contre-épreuve. Où s’arrêtera la loi de la preuve, et comment ?
Le même penseur peut-il librement exiger ou non, la confirmation d’expérience selon l’état mouvant de sa sensibilité ? Ou, peut-il essayer de sortir d’embarras par des raisonnements ? Pascal, à cet égard, ne fera ni mieux, ni plus mal que tout autre. Mais il voudrait pouvoir aussi topiquement raisonner à la satisfaction d’autrui qu’à la sienne propre, et s’il ose répudier la raison, qu’il juge périlleuse, combien d’autres feront appel à ce chanceux recours ! Pascal, avant tout, voulait croire, et l’absence de preuves l’embarrassait moins que l’idée d’une preuve rigoureuse à fournir. Pouvait-il donc éviter qu’une inquiétude persistante ne lui laissât, au plus profond d’une sensibilité maladive, un trouble douloureux dont rien ne put l’affranchir ?
Pitoyable victime d’une absolue probité de conscience, ballottée du « miracle » de la Sainte-Épine aux amulettes mystiques, au cilice qui déchirait sa chair, des crises d’indicibles tourments marquèrent cruellement la fin d’un des plus grands esprits qui aient vécu. On discutera longtemps sur la leçon. J’ai dit ce que je croyais voir en tout désintéressement de pensée. Croire émotivement et douter intellectuellement à la fois, ne fût-ce qu’en des parties d’un doute à peine saisissable, sont d’une grandiose mais redoutable tragédie. Convulsé de scrupules, Pascal n’a point laissé d’ultimes confidences. Sut-il même jamais s’il avait un secret ?
Dans tous les cas, son doute fut d’une qualité si subtile qu’on n’y découvre rien d’une procédure d’école. L’homme sentait trop vivement pour s’interroger librement tout au fond. Le doute philosophique, de phénomène à phénomène, est ici hors de cause. Pascal le manie aussi bien et mieux que quiconque. Il