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Page:Clemenceau - Au soir de la pensée, 1927, Tome 1.djvu/323

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AU SOIR DE LA PENSÉE

Les Grecs se contentaient d’interpréter le bruit du vent dans le feuillage aux chênes de Dodone (avec les colombes sémitiques), le plus ancien sanctuaire de la Grèce, d’origine phénicienne, desservi par « les Selles aux pieds nus », ce qui pourrait indiquer une tradition indienne.

La Mésopotamie a connu un arbre lunaire. De même l’Apocalypse place au milieu de la Jérusalem céleste « l’arbre de vie qui portait douze fruits, dormant son fruit à chaque mois ». Enfin, la Chine a célébré un arbre de vie qui était de jade et conférait l’immortalité par son fruit.

Combien de pages me faudrait-il encore pour mentionner, chez les Aryens comme chez les Sémites, toutes les figurations de l’arbre de vie, accompagné, dans l’Inde en particulier, de l’arbre de la connaissance (Bodhi). J’ai eu le plaisir d’en voir le rejeton « direct » à Ceylan[1] où je puis attester qu’il est bien l’arbre de vie tout au moins pour les moines qui reçoivent les offrandes monnayées, et pour les singes qui se nourrissent du riz offert à la Divinité. La vie considérée par eux comme un mal, — je parle des moines seulement, — il suffit, comme on voit, du bon usage d’un symbole pour que chacun y trouve un bénéfice à ne pas négliger.

Le malheur biblique de nos premiers parents fut que le fruit de l’arbre de la sagesse devant les rendre, annonce Jahveh, « capables de discerner le bien du mal, comme l’un de nous »[2], l’accès de l’arbre de vie leur fut, en outre, interdit par le fabricateur universel dans la crainte qu’ils n’en vinssent encore à conquérir l’immortalité. Que notre mère Ève eût simplement récidivé, et nous tenions simultanément la connaissance et la vie éternelle ! Beaucoup ne s’en consoleront pas !

Et pendant que je suis sous l’arbre symbolique, pourrais-je ne pas mentionner le fameux arbre de la Liberté que nos farouches révolutionnaires de l’an II allèrent chercher je ne sais où pour

  1. Où l’apporta, trois cents ans avant notre ère, Mahinda, fils du Constantin bouddhiste, le grand empereur de l’Inde, Açoka.
  2. Ce « l’un de nous » n’est-il pas la plus simple réponse au prétendu monothéisme originel des Sémites, selon Renan. Ne pas oublier que le pluriel Elohim est supposé exprimer la Divinité. C’est peut-être le cas de rappeler le mot de Manou : « L’âme universelle est l’assemblage des Dieux. »