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LES SYMBOLES

en faire l’emblème de leurs bergeries ensanglantées. Un patient enquêteur retrouverait peut-être la filière mystique de la Genèse à la Convention, et nous dirait comment Moïse nous conduisit à la Déesse au bonnet rouge[1]. Une page d’histoire à élucider. Nous avons encore dans maints villages des chênes ou des ormeaux révolutionnaires que le vent des réactions n’a pas déracinés, par l’unique raison, je le crains, que nul ne sait plus ce qu’ils ont représenté. En 1848, j’ai vu, dans mon enfance, planter en cérémonie un beau marronnier sur la place Royale de Nantes, devenue place du Peuple en l’occasion. M. Fournier, curé de Saint-Nicolas, et plus tard évêque de Nantes, lui apporta gravement sa bénédiction. La légende veut même qu’il l’ait aiguisée, plus tard, d’un flacon de vitriol. Prêtre et arbre sont morts. Je l’aurais prédit. Pour la liberté, je dois le reconnaître, on continue de la parler.

Bétyle d’Astarté.

Je ne puis que mentionner au passage le bétyle conique[2], symbole d’Astarté, Mylitta, Derceto, Tanit, Anaïtis (grande déesse tellurique et lunaire des Sémites), etc., qu’on retrouve sur les monnaies de Paphos, de Byblos, de Sidon. Nous la voyons s’amalgamer avec le disque, ailé ou aptère, pour en venir à se rapprocher de la croix ansée de l’Égypte, bien antérieure, dit M. Goblet d’Alviella, aux représentations phéniciennes de la grande Déesse vierge et mère, meurtrière et régénératrice, qui apparaît, chez toutes les nations sémitiques, comme la per-

  1. Bétyles rouges de l’Inde, bonnet rouge et drapeau rouge de la Révolution emblèmes du feu sacré dans la gloire duquel vivent les Dieux.
  2. Le bétyle, proprement dit, est la pierre avalée par Saturne (Kronos) à la place de jupiter (Zeus), son dernier né, et qui, rejetée par le père des Dieux, vint choir à Delphes, centre de la terre. Les dérivés du bétyle sont toutes ces pierres sacrées devenues objets du culte, ou réduites au simple rôle de talismans dans tous les pays.