Page:Clemenceau - Au soir de la pensée, 1927, Tome 1.djvu/452

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
445
COSMOLOGIE

planètes avec leurs satellites, des étoiles, de la voie lactée, des nébuleuses spirales et de toutes autres, des comètes, des poussières cosmiques parmi lesquelles s’allument et s’éteignent des mondes qui nous livrent, chemin faisant, des lueurs de leurs secrets. Tous ces prodiges d’éléments en action de notre partout et de notre toujours, nous les avons surpris dans l’irréductible coordination d’un réseau de mailles qui les tient enserrés au delà même, sans doute, des régions où peut atteindre notre humaine ultimité.

Car si la gravitation n’était point la loi de l’univers universel, comment concevoir le point où elle aurait sa borne marquant une rencontre d’autres formations de rapports ? Encore faudrait-il un lien entre ces divergences. Casse-tête offert aux Christophe Colomb des célestes étendues. Au delà de toute observation positive, si loin qu’elle puisse atteindre, l’homme rencontrera toujours une frontière mouvante d’inconnu. Ce que nous pouvons noter avec Newton, c’est que le nuage d’obscurité mentale s’est déplacé du tout au tout depuis Moïse, et que nous tenons fermement des formules de cohérences en deçà desquelles le rêve puéril des premiers âges s’évanouit. Pour ceux qui s’obstinent à vivre ancestralement dans les terreurs du sensible, il reste les fumées de la métaphysique où s’abîmer. Quelque plaisir qu’on éprouve à somnoler la vie sur l’oreiller de la Révélation, ou à la vivre dans les inquiétudes ordonnées de l’expérience, la condition de l’homme, même après les conquêtes de la science, ne promet pas mieux que des trépidations de connaissance toujours plus proches d’un absolu qui ne peut être atteint.

Kant et Laplace, émus de positivité au bord de l’abîme, ne purent s’arrêter à des fictions de parapet. Bravement, ils jetèrent la sonde en quête de profondeurs. Je ne saurais m’étendre sur leurs hypothèses[1]. Kant, qui fut ignoré de Laplace, pose son problème en ces termes : « Découvrir les lois systématiques qui relient les mondes créés dans l’espace infini, et déduire de l’état

  1. J’écarte l’hypothèse de Buffon. Les Époques de la nature n’ont plus qu’une valeur historique. Nous étions à l’aurore des temps modernes, et cependant l’auteur se croit encore obligé de vouloir « concilier à jamais la science de la nature avec celle de la théologie ». Cela n’empêcha pas sa condamnation en Sorbonne, suivie d’une fâcheuse soumission.