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COSMOLOGIE

est en nous. Porteurs de l’éternel flambeau, nous le promenons dans l’espace et le temps, non sans un orgueil explicable. Quelle autre fortune pourrait donc nous tenter que de nous montrer dignes d’une réalisation partielle d’idéal par laquelle nous pouvons vivre, même nous accroître dans un effort continu de connaître et de nous émouvoir. En regard, mettez l’impuissance des menaces théologiques pour nous interdire l’accès de la connaissance positive, sous peine de mort, au nom de la Divinité.

Notre imprescriptible victoire ne dispose, sans doute, que d’un temps limité. Mais puisqu’elle se déroule dans les évolutions sans fin de l’univers immense, des moments de passage qui se relayent sans arrêt n’aboutissent-ils pas à la pérennité[1] ? Tout n’est que mouvements de transpositions éphémères. Cependant, une constance suffisante de points donne une ligne qui ne finit pas. Révolutions de nébuleuses ou d’atomes, il n’importe pas puisque les phénomènes sont — dans la constance des mêmes lois — de même ordre, de mêmes procédures et de mêmes effets. Il est devenu courant de comparer le monde atomique au monde astral. Des distances cosmiques et des distances intra-atomiques du noyau aux électrons, l’assimilation s’est trouvée invinciblement suggérée. L’atome est un système solaire, telle est la formule sur laquelle on parait jusqu’ici s’accorder.

La grande question du jour qui fait philosopher les physiciens et physiquer les philosophes est de savoir si, d’après le fameux principe de Carnot (amendé par Clausius), nous aurions saisi le point où « l’énergie atomique parait se dissiper ». De ce que nous n’avons pas encore trouvé trace de son passage, doit-il donc nécessairement résulter qu’elle a « disparu » comme des savants ne craignent pas de l’affirmer. Ce serait la finale « dégradation de l’énergie » par le moyen de l’indicible « entropie » dont personne encore n’a pu nous révéler ce que c’est, ni ce que ce pourrait être si c’était autre chose qu’un mot.

Il n’y a pas de terme moins scientifique que celui de disparition, si ce n’est celui de création. L’ancienne école des phénomènes enseigne que « rien ne se crée et que rien ne disparaît. » Ce n’est

  1. Je n’ai point à me prononcer sur la pérennité des phénomènes par la fameuse hypothèse du Retour éternel, avec ou sans l’hypothèse de la panspermie qui me paraît aventurée. Sur l’aspect général du problème, on consultera profitablement l’Éternité par les astres, d’Auguste Blanqui.