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l’évolution

des bolides de toutes dimensions, des astres même, avec tous changements d’apparitions.

Le spectroscope interviendra, par la détermination des températures, pour l’analyse des transformations gazeuses. Je n’en finirais pas. L’hydrogène, l’hélium, le nébulium peut-être, le carbone, le sodium, le calcium, le fer à l’état gazeux, décideront des transformations. Des séries d’étoiles nous présentent actuellement des états d’évolution qui diffèrent à peine de ceux de la nébuleuse. Nous passons ici la revue des éléments dans le laboratoire immense de l’infinité. Nous y reconnaissons les astres en des phases d’évolution qui se rapprochent ou se différencient, et peuvent ainsi nous permettre de saisir des parties d’enchaînements. La température ne cessera d’y faire figure de facteur dominant. Nous touchons ici, de nouveau, au problème des problèmes : l’énergie de l’univers va-t-elle en s’affaiblissant ?

On a vu que c’est le fameux principe de Carnot mis en forme par Clausius, qui nous a conduits à cette interrogation. L’univers, sans mesure de temps ni d’espace, évolue-t-il en direction d’un équilibre thermique qui ne serait rien de moins que la mort calorifique sous la redoutable loi de l’hypothétique « entropie » ? M. Henri Poincaré reconnaît que le terme est prodigieusement abstrait. D’un tel homme, l’aveu n’est pas négligeable. Les mots ne me font pas peur. Qu’ils nous arrivent du temple ou du laboratoire, il faut qu’ils viennent aboutir, en des formes diverses, à des rapports d’activités. « L’entropie », à vrai dire, n’est qu’une formule d’interprétation exprimant cette idée que tous les mouvements ont une tendance à se transformer en chaleur, et que la chaleur tend à se répartir uniformément dans tous les corps. C’est ce que traduit Arrhénius en disant qu’ « on entend par « entropie » la quantité de chaleur contenue dans un corps, divisée par sa température absolue »[1]. Clausius, responsable du mot

  1. Les deux principes de la thermodynamique portent : l’un, que la matière et l’énergie sont indestructibles ; l’autre, qu’elles se dégradent ou se dissipent par l’activité. Beaucoup ont préféré le mot de dégradation de l’énergie (M. Brunhes l’avoue), dans l’espoir de rendre la contradiction moins criante. Le mot de dégradation porte, en effet, sa marque de subjectivité, car l’idée d’une hiérarchie de grades entre les phénomènes est de subjectivité humaine.

    Il paraîtrait beaucoup plus simple de reconnaître que l’état actuel de nos