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l’évolution

Arrhénius n’accepte pas que nos présentes théories sur les mouvements thermiques soient applicables aux nébuleuses. Et comme les nébuleuses, en leurs évolutions, ne peuvent avoir tort, il en faut bien conclure à quelque défaillance de nos théories. Le premier principe de la thermo-dynamique veut que l’énergie cosmique soit constante. Mais il se découvre que l’entropie (le nirvana de l’univers) tend vers un maximum, et certains aiment mieux en finir avec le monde que de reconnaître qu’ils n’en possèdent que des parties de connaissance, ce qui ne leur permet pas de boucler la boucle de l’infini. Quelque loi nouvelle nous aurait-elle donc échappé ? Ce ne serait pas la première. L’observation positive ne nous a pas sortis du gouffre de l’absolu pour nous y ramener au premier tournant. La contre-hypothèse d’Arrhénius qui — par les rencontres astrales, récupère la chaleur perdue — a le mérite de s’attacher à la liaison des problèmes cosmiques et de rester toujours ouverte à toutes vérifications. Posséder des relativités d’expérience inductivement liées, c’est ce que nous appelons connaître. Décréter quelque forme d’absolu par l’insuffisance du connaître, c’est simplement une manière emphatique d’ignorer. Pour apprendre, rien de tel qu’une patience séculaire, ou même millénaire : nous n’avons besoin que d’attendre assez longtemps.

Le célèbre physicien Maxwell, cherchant des directions nouvelles, a spirituellement imaginé le cas de petits démons, armés de bonnes soupapes étanches, qui laisseraient passer à travers un écran toutes les molécules gazeuses animées d’une vitesse plus grande que la vitesse moyenne de la totalité — toutes les autres étant retenues,. Par cet ingénieux artifice ; il passera de la chaleur (c’est-à-dire du mouvement) d’un corps plus froid dans un corps qui se réchauffera d’une façon continue. En ce cas, l’entropie, la tendance à la mort thermique, au lieu d’augmenter, diminuera. Il ne s’agit donc plus que de pouvoir substituer quelque forme d’automatique énergie au pouvoir discriminatif de nos petits démons. C’est l’histoire de la Providence et de l’automatisme newtonien.

M. Henri Poincaré déclare qu’il n’a jamais eu « aucune inquiétude » au sujet de l’entropie. Pour lui, ce redoutable « principe » n’est « qu’une concession à l’infirmité de nos sens ». Et voici, en effet, que l’ultra-microscope nous découvre le mou-