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au soir de la pensée

vement brownien où l’on a voulu voir d’abord un phénomène « vital ». On s’est aperçu, cependant, que les corpuscules inanimés « ne dansent pas avec moins d’ardeur que les autres ». On a voulu y voir l’effet du développement de chaleur dû à l’éclairage. Mais les mouvements se sont montrés d’autant plus vifs que les particules étaient plus petites. Et M. Henri Poincaré de conclure : « Si ces mouvements ne cessent pas, ou plutôt renaissent sans cesse, sans rien emprunter à une source extérieure d’énergie, que devons-nous croire ?… Nous voyons, sous nos yeux, tantôt le mouvement se transformer en chaleur, tantôt la chaleur se changer inversement en mouvement, et cela sans que rien ne se perde, puisque le mouvement dure toujours. C’est le contraire du principe de Carnot… Les corps trop gros, ceux qui ont, par exemple, un dixième de millimètre, sont heurtés de tous les côtés par les atomes en mouvement. Cependant ils ne bougent pas parce que ces chocs sont très nombreux et que la loi du hasard veut qu’ils se compensent. Mais les particules plus petites reçoivent trop peu de chocs pour que cette compensation se fasse à coup sûr, et sont incessamment ballottées. »

En faisant jouer les attractions et les répulsions moléculaires, on obtiendra dans les liquides des figures de symétrie qui annoncent le cristal, le plasma, la cellule, même[1]. Et quand l’état colloïde montre ses groupements moléculaires de micelles trépidant d’un mouvement « brownien », on voit assez clairement que le protoplasma et ses cellules, où se rencontrent les premières manifestations de « vie », ne sont pas loin. Des propriétés organiques du plasma et de la cellule dans les tissus végétaux et animaux, jaillissent tous les phénomènes coordonnés d’énergétique « vitale », qui, par les rencontres des impulsions d’hérédité et d’ambiance, concourent à maintenir, à développer l’organisme dans ses cadres d’évolution, jusqu’aux achèvements de la conscience, de la pensée, avec les évolutions d’activités.

J’ai noté qu’avec l’accroissement de la connaissance, les Dieux

  1. Il suffit de renvoyer le lecteur à l’ouvrage passionnant de M. Yves Delage sur l’Hérédité et les grands problèmes de la biologie générale. On y trouvera posés, subséquentes et parfois résolus des problèmes en nombre incommensurable qui vous feront comprendre pourquoi la métaphysique trouve plus simple d’aborder l’étude de la vie par un bon « principe vital » à tout faire que par de laborieuses recherches expérimentales de positivité.