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l’évolution

la Faculté de théologie. Notre âge est d’observation positive. Il est temps de s’y résigner.

Si notre science est de classer toutes les activités cosmiques en vue de rapprochements qui nous découvrent ce que nous pouvons connaître des phénomènes, comment pourrions-nous exclure les existences organiques des mêmes méthodes d’interrogation ? Jusqu’ici on n’oppose généralement à la doctrine de l’évolution aucune autre interprétation positive du développement organique. Si bien qu’il faut choisir, comme j’ai dit, entre Moïse et Darwin. Or, s’il n’y a point de physique ni de chimie de la Bible, et pour cause, pourquoi faut-il qu’il y ait une Révélation biblique de la biologie ? Par l’histoire de l’entendement humain, tous les livres sacrés sont de précieux points de repère. Leurs enseignements ont été d’une spontanéité de méconnaissances que devront rectifier, avec le temps, des connaissances plus ou moins lentement assurées, comme de tremblantes lumières, toujours accrues, qui permettront de percer finalement des blocs d’obscurité.

De ces lueurs désordonnées de notre héritage mental, il s’est fait, cependant, une moyenne de rêve et de savoir emmêlés, qui constitue le fond commun du vulgaire « bon sens », à mi-chemin de la fiction et de l’expérience, pour des balancements d’opinions insuffisamment vérifiées. « L’homme de la rue », dont l’Angleterre n’est pas seule à se préoccuper, peut n’avoir d’opinion positive sur aucun problème — ce qui ne l’empêchera pas de donner pour ferme et décisif tout état de connaissance, au hasard des propos qu’il aura recueillis de ceux qui n’en savent pas plus long que lui. Prétendra-t-on nous arrêter aux ignorances de « l’assentiment » a priori ? Nous voulons observer pour essayer de connaître, et quand la classification des phénomènes nous conduit à de suggestifs rapprochements, on ne se débarrassera pas de nous en alléguant que ces rapprochements sont en contradiction avec l’« autorité » des idées préconçues.

Classer l’homme dans la série animale ou l’en détacher ? Il faut se rendre à la nécessité de choisir. La Bible nous met hors cadre, à moitié chemin du ciel et de la terre, nous laissant le soin de l’impossible ajustement d’un commencement inexpliqué avec l’inexplicable absence d’une fin. Les conformités d’organes dans la série des mammifères, homme compris, suffisent à réprimer