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l’évolution

2° Si les caractères acquis sont transmissibles, comment les modifications produites dans le corps peuvent-elles se transmettre avec une précision si admirable, aux cellules germinales qui ne contiennent encore aucun des organes qui auront à les subir ? »

Je mentionne ces problèmes d’autant plus expressément que, sur ces points, nous en sommes aux hypothèses préliminaires. C’est ainsi que toute science a commencé. Il demeure que l’hérédité et la variation sont les fondements de la reproduction organique. Nous n’en resterons pas là.

J’ai dit la grande controverse sur l’hérédité des caractères acquis — fondement de la doctrine lamarckienne. Darwin, qui l’avait acceptée, l’a mise finalement à un rang secondaire, mais n’a pu s’en passer. On trouvera tous les éléments du débat dans le livre de M. Delage qui n’a pu nettement conclure, pour avoir tenté d’éliminer l’évolution qu’il ne peut accorder avec la fameuse théorie de l’emboîtement des germes, comme s’il ne suffisait pas d’une transmission de potentiel en des activités progressives.

Sans l’hérédité des caractères acquis, dont nous avons sous les yeux tant de si remarquables exemples, plantes, animaux, hommes en seraient demeurés au même point qu’originellement. S’il n’y avait qu’une transmission de caractères innés, d’où viendraient ces caractères, dont aucun élément n’aurait jamais été acquis ? Et comment cette fixité prétendue s’accorderait-elle avec les changements de tout ordre que nous avons sous les yeux ? Pour Le Dantec, toutes les transformations doivent s’accompagner d’une déperdition d’énergie, — la déperdition donnant à l’organe le sens de son évolution. Il ajoute : « Les deux phénomènes antagonistes assimilation et variation, hérédité et acquisition des caractères sont, l’un et l’autre, des phénomènes de résonnance. Dans le premier, c’est le protoplasma qui fait résonner ce milieu ; dans le second, c’est le milieu qui met le protoplasma à l’unisson. Mais, ce sont toujours des phénomènes d’imitation. »

C’est que hérédité et variabilité sont les deux pôles de l’activité évolutive, qui les oppose et les compose dans les développements de l’organisme. Le lamarckien voit la variation dans l’effet principal de l’habitude, c’est-à-dire des activités répétées.