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au soir de la pensée

100 millions de fois plus grande que celle d’une molécule dans l’agitation thermique ordinaire[1]. »

Ajouterai-je encore que la scintillation de la phosphorescence aux surfaces qui arrêtent les projectiles marque des points d’arrivée qui permettent le dénombrement des atomes et que l’on a pu en saisir ainsi les trajectoires même à l’œil nu ? D’une merveilleuse « convergence de déterminations », ayant permis de contrôler l’une par l’autre des mesures d’observations, M. Perrin conclut : « La théorie atomique a triomphé. Mais dans ce triomphe même nous voyons s’évanouir ce que la théorie primitive avait de définitif et d’absolu… Les atomes ne sont pas ces éléments éternels et insécables dont l’irréductible simplicité donnait au possible une borne, et dans leur inimaginable petitesse, nous commençons à pressentir un fourmillement prodigieux de mondes nouveaux. Ainsi l’astronome découvre, saisi de vertige, au delà des cieux familiers, au delà de ces gouffres d’ombre que la lumière met des millénaires à franchir, de pâles flocons perdus dans l’espace. Voies lactées démesurément lointaines, dont la faible lueur nous révèle encore la palpitation ardente de millions d’astres géants. La nature déploie la même splendeur sans limites dans l’atome ou dans la nébuleuse, et tout moyen nouveau de connaissance la montre plus vaste et diverse, plus féconde, plus imprévue, plus belle, plus riche d’insondable immensité. »

Que pourrais-je ajouter ? Infinies sont les invitations des voies d’accès en direction de l’inaccessible. Combien déconcertante pour les rigueurs de nos exigences, l’idée que le refroidissement, lointain mais fatal, du soleil doit arrêter le cours d’une évolution humaine qui manifesterait peut-être un temps de « grand retour » dans le cycle de partout et de toujours dont le rayon ne se peut déterminer.

Pour en finir, sir Ernest Rutherford trouve des paroles de circonspection utiles à noter, où il aborde résolument le fameux problème de l’évolution de l’énergie. Après avoir constaté que l’évolution totale de l’énergie, au cours de la désintégration d’un gramme de radium, est plusieurs millions de fois plus grande que dans la combustion complète d’un poids égal de carbone, il nous met en garde contre l’idée d’une universelle concentra-

  1. Jean Perrin.