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au soir de la pensée

encore de l’apparition première d’un instinct, ou même d’une volonté. Il faudrait d’abord s’entendre sur la signification des mots. Ce qui ne se peut contester, c’est que la sensibilité primitive s’achève remarquablement d’une réaction de motricité. Je ne puis voir là qu’une question de degrés.

Si nous passons des phénomènes de la sensibilité minérale à ceux de la sensibilité végétative et animale, comment déterminer à quel moment une somme de conscience peut s’y manifester ? Tous les phénomènes cosmiques sont de transitions infinies. Celui que nous dénommons sommairement conscience ou psychisme nous apparaît comme le développement d’une individuation de sensibilités. À quel moment la somme de réaction sensible peut-elle atteindre, dans la série biologique, une tension suffisante pour justifier le nom de conscience avec ses réactions de volonté ? C’est déjà beaucoup que la question soit posée.

Conduits à répartir entre les séries animales l’intelligence et la volonté, nous avons prétendu les diluer jusqu’aux derniers minima de réactions sensibles sous le nom d’instinct, dont le principal avantage est d’échapper aux déterminations. De cette position de repli, la métaphysique même est en voie d’être délogée. Nous ne trouvons, en effet, dans le monde organique, qu’une chaîne infinie de réactions sensibles, depuis le réflexe d’une sensibilité qui ne laisse pas de trace dans la mémoire des organes, jusqu’aux complexes d’activités sensorielles déterminant des individuations de rapports que nous classons sous le nom de conscience, d’intelligence, de volonté. Enchaînement dont rien ne se peut déprendre, sinon par l’artifice d’un mot sans représentation de réalité..

J’ai dit comment l’embarras nous venait de la nécessité où se trouvèrent nos ancêtres de désigner par un vocable un ensemble de phénomènes qu’ils étaient incapables d’analyser. Mis en


    tique sur le colloïde du protoplasma, et cela lui paraît aussi vrai de l’animal monocellulaire que des agrégats d’éléments anatomiques dont tout organisme est composé. La vie étant « un phénomène aquatique », chaque cellule de nos organes se comporte comme l’amibe dans le milieu, à l’état de protoplasma colloïdal, d’où elle tire sa substance ! Ce sont les alternatives de l’assimilation et de la désassimilation qui, en s’opposant, feraient la variation à travers les réactions réciproques de l’organe et du milieu qui constituent la vie. (Éléments de philosophie biologique.)