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au soir de la pensée

absolu dont notre ultime ressource serait, le cas échéant, de désespérer. Comme la vie individuelle, la vie sociale veut, d’abord, des solutions empiriques, au hasard des conséquences d’aujourd’hui ou de demain. Étonnez-vous si chacun n’y trouve pas son compte également.

Point de vie concevable hors de la société, aussi bien chez les sauvages que dans les civilisations raffinées. Des parties de vie individuelle, des parties de vie sociale à organiser, à ajuster, à faire prospérer. Le couvent lui-même n’est qu’une fiction : un contrat social d’universelle appropriation, pour des distributions d’idéalisme, — ose-t-on nous demander. Mais, il faut vivre, et dès les premiers jours, c’est une affaire de savoir comment le bison, que rapporteront les chasseurs, sera partagé. Réunissez donc un conseil des sages pour délibérer sur les bonnes règles, inspirées des augures tout en potentiels de satisfactions.

Le Cosmos, inconscient, résout tous problèmes, sans délibérer dans les directions que la loi de la moindre résistance impose successivement[1]. Telle fut la première loi des premières agrégations d’hommes sauvages en des formes analogues à celles des animaux — forces dirigeantes et forces dirigées se contenant les unes les autres, pour les rythmes de la destinée. C’est en vertu de la même loi, et par les mêmes moyens, que les groupements animaux et humains se sont déterminés. Ainsi gouvernants et gouvernés ont pu réciproquement se former d’expérience et d’émotivités, productrices tour à tour de commandement chez les uns, d’obéissance chez les autres. Pour ce qui est du choix des dirigeants, les oiseaux, qui nous fournissent de si remarquables modèles à cet égard, ne nous ont pas dit leur secret. En tout état de cause, gouvernants et gouvernés se sont, de cette façon, constitués — à l’état de civilisés en devenir — selon des règles de force et de laisser-faire, sous des noms prometteurs. Là, comme dans toutes les parties de l’histoire humaine, les promesses des mots se sont développées d’un pas plus rapide que les réalités, et l’on doit reconnaître que, de cette cote mal taillée, la foule, en des formes diverses, et parfois contradictoires,

  1. Le véritable Verbe créateur de saint jean, l’Atman et le Brahman de l’Inde, ce fut, c’est et ce sera toujours la suprématie de composition de forces qui se déplacent à tous moments.