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au soir de la pensée

Les molécules des corps dissous, de même que les électrons libres auxquels les métaux doivent leur conductibilité électrique, se comportent comme les molécules gazeuses, dans les enceintes où elles sont enfermées. Le parallélisme est parfait, et on peut le poursuivre jusqu’à des coïncidences numériques. Par là, ce qui était douteux devient probable. Chacune de ces trois théories, si elle était isolée, ne nous apparaîtrait que comme une hypothèse ingénieuse, à laquelle on pourrait substituer d’autres explications à peu près aussi vraisemblables. Mais comme, dans chacun des trois cas, il faudrait une explication différente, les coïncidences constatées ne pourraient plus être attribuées qu’au hasard, ce qui est inadmissible, tandis que les trois théories cinétiques rendent ces coïncidences nécessaires. Et puis la théorie des solutions nous fait passer tout naturellement à celle du mouvement brownien où il est impossible de regarder l’agitation thermique comme une fiction de l’esprit, puisqu’on le voit directement sous le microscope. » Et M. Henri Poincaré s’empare des brillantes déterminations du nombre des atomes par M. Jean Perrin, pour conclure que ce qui entraîne sa conviction, « ce sont les multiples concordances entre des résultats obtenus par des procédés entièrement différents ». L’argument, en effet, est de poids.

Telle qu’elle a été reconnue par la théorie cinétique des gaz, l’agitation moléculaire, croissant avec la température, décroît par le refroidissement, sous l’effet de la pression, pour s’arrêter (théoriquement) au zéro absolu, sauf le cas d’une asymptote qui nous emmènerait, en compagnie du zéro absolu lui-même, nous ne savons où. Sur la formation, l’agencement des molécules et l’énergie de leur rotation, par l’effet de leurs chocs, je ne puis que renvoyer à M. Jean Perrin. C’est une envolée d’hypothèses et de lois déterminées qui s’ajustent ou s’ajusteront à la fortune des vérifications.

Je me borne à noter l’oscillation des atomes à l’intérieur de la molécule. La caractéristique du mouvement brownien est de ne jamais s’arrêter. Quant à la cinétique des gaz exerçant une pression sur toute paroi, et résultant du choc des molécules, voici ce qu’en dit M. Jean Perrin : « Chacune des molécules de l’air que nous respirons se meut avec la vitesse d’une balle de fusil, parcourt en ligne droite, entre deux chocs, un dix-