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Les âges primitifs

tions, comme la Dordogne et l’Amérique du Sud par exemple.

Comment interpréter un tel ensemble ? Manifestations cultuelles ? Fétiches ? Mythes ? Rites ? Je laisse de côté l’histoire hypothétique de cet art dont le but n’était certainement pas de régaler les contemporains d’une exposition, d’un salon. Il s’agissait, sans doute, de tout autre chose que de « l’art pour l’art ». Selon toute vraisemblance, l’homme — le chasseur surtout — rencontrait assez d’animaux, au cours de la journée, pour ne pas éprouver tout d’abord le besoin, purement esthétique, de les retrouver chez lui.

D’ailleurs, ces cavernes en forme de boyaux (dont quelques-uns ont plus d’un kilomètre de longueur), et coupées de flaques d’eau où l’on ne peut avancer qu’en rampant, furent-elles vraiment des « habitations » ? Plutôt des abris de fortune, aux tout premiers temps, car bientôt il y eut un jadis. Il fallut que la première humanité fût dépourvue de tout secours dans sa lutte contre le froid et la faim, sans parler des agressions des fauves ou des humains affamés, pour que nos primitifs cherchassent un asile dans ces sombres repaires, Souvent rendus impraticables par les infiltrations. Des cavernes naturelles ou creusées dans le roc friable offraient de naturels recours. Nous les retrouvons tels aux rochers de la Vézère.

À vrai dire, nous ne savons presque rien sur les demeures et les coutumes de ce que l’on a appelé la civilisation quaternaire. Si nous n’avions que des cryptes et des tableaux d’église pour renseigner des étrangers sur notre société actuelle, cela ne les mènerait pas très loin.

Quelles suppositions pouvons-nous faire lorsque dans un seul amas d’ossements, aux abords de campements manifestés par des restes de foyers, nous trouvons des tas de squelettes représentant, nous dit-on, plus de cent mille chevaux ? Des causes qui nous échappent ont amené, sans doute, d’innombrables tribus à se succéder en ce lieu. À quelles fins, et pour des temps de quelle durée ?

Il y a beaucoup de raisons de croire que les refuges ingrats[1]

  1. L’humanité primitive était probablement plus aguerrie que la nôtre contre les assauts du dehors. Notre « civilisation » nous a gâtés. Si l’on considère la fragile condition des nouveau-nés au regard des moyens de protection