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publique qui déterminent les crises des destinées humaines, de chercher la juste mesure des activités personnelles et sociales qui pourraient faire l’accord des bonnes volontés ? L’organisme social est d’unité vivante, comme l’individu. Unité d’agrégations conjuguées en perpétuelles rivalités de domination. Demandez à l’exécutif de ne point tenter d’entreprendre sur la délibération et vice versa. Demandez a l’individu de ne pas empiéter sur autrui. Un nid de vipères sifflantes dans les métaphysiques de l’historien charmeur, voilà trop souvent les dessous, heureusement obscurcis, de notre roman de charité humaine. L’histoire ne s’en voit pas moins savamment transformée, par la magie des écritures, en un concours de dévouements épanouis. Qui a vu, de ses yeux, passer des mouvements d’histoire sera toujours en garde contre les entraînements du plus probe écrivain. En dépit de l’admirable effort des temps modernes pour la reconstitution historique des enchaînements de l’homme à travers les âges, l’atavique Sorbonne représentée par des hommes de haute culture, n’en propose pas moins encore a notre admiration la puissante rhétorique de l’Histoire universelle où Bossuet a prétendu nous montrer le monde historique en légitime gestation de Louis XIV et de ses excès de personnalité.

Ce que voyant, l’abbé Galiani a pu dire que l’histoire moderne n’était rien que l’histoire ancienne sous d’autres noms. Criante absurdité, si on l’entend d’une façon objective. Trop juste critique, si l’on considère la vaine redondance des interprétations. L’histoire de l’homme est d’une évolution organique dont il faut essayer de suivre le cours, d’antécédences en conséquences positives, jusqu’au seuil de l’avenir meilleur où nous engage le passé.

De quelque nom qu’ils se décorent, nos gouvernements sont des compromis ; clamés ou inavoués, d’oligarchies changeantes, autour desquelles se laisse agglomérer une foule amorphe, dont les efforts tendront à des virtuosités de mots où se balancent les fortunes, de l’idéalisme et des intérêts, diversement conjugués. Il s’explique ainsi que la surabondance des discours soit peut-être trop souvent tenue pour le plus sûr d’une épreuve de civilisation. Phénomène inévitable quand le principal effort de la foule est de choisir, ou de subir des concerts de harangues à la mesure de ses compréhensions ou incompréhensions du moment. Intérêts massifs de conservation à maintenir sous des