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au soir de la pensée

ne furent-ils pas jadis d’admirables martyrs ? Des jeunes chrétientés de Paul aux miraculés de Lourdes, quelle régression de déchéances, tandis que l’ambition désintéressée de la connaissance étend ses vertigineuses conquêtes dont l’amplitude s’accroît démesurément chaque jour !

Devant l’incoercible résolution de connaître, les bûchers, les échafauds se sont trouvés sans puissance, et le cruel reniement de Galilée n’accuse plus que ses accusateurs. Lorsque nous voyons les plus grands savants, comme Lamarck lui-même, se mettre d’abord en règle avec le verbalisme des doctrines qui vont s’écrouler sous leurs coups, qu’en pouvons-nous conclure sinon que le flux des émotivités générales ne les avait pas encore portés aux éclats d’héroïsme qui jetèrent les Chrétiens au cirque et les firent triompher.

Si je m’attardais au plus simple exposé des tragédies du Dieu et de l’homme, où les peuples de tous les temps ont attaché espérances et terreurs, on serait confondu de la misère profonde de ces légendes que nos pères ont pris tant de plaisir à poétiser. D’un monde puérilement conçu, aucun développement de positivité n’était à attendre. Le Cosmos aurait commencé sans autre cause qu’un caprice insondable. Il serait destiné à finir de même, sans raison explicable, par une autre fantaisie de l’inconnu. L’univers s’abîmerait, un jour, dans le néant dont il procède, laissant, pour trace de son passage, un empyrée de joies, une géhenne de supplices qui s’opposeront éternellement sous le regard déconcerté du « Créateur » et des « créatures » qui l’ont créé.

Si nous renonçons à ces vues chimériques de mentalités balbutiantes, pour nous en tenir aux simples recours d’expérience, nous trouvons notre hier et notre demain invinciblement liés selon des lois qui réglaient les activités du monde avant notre apparition sur la terre, et les régleront encore quand nous aurons passé.

Dans les conditions de pensées que l’évolution mentale nous a procurées, nous n’avons point à chercher des sujets de terreurs ou de joies dans le fonctionnement du mécanisme universel. Ce que nous connaissons du passé éclaire assez bien l’avenir pour nous permettre de reconnaître, sinon de déterminer, des cycles aux activités desquels s’arrête la pénétration de nos relativités. C’est beaucoup ou c’est peu, selon le point de