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au soir de la pensée

tant, surtout à l’heure où l’on nous parle de la désagrégation de la matière. Au cours des relations de nos valeurs, le très petit s’oppose au très grand pour des achèvements d’infinité dans toutes les directions. Sous nos yeux, l’atome se dissocie. Les électrons sont en révolutions autour de leur noyau, comme feraient des planètes autour de leur soleil. Qu’arriverait-il de notre existence si l’atome, qui va se désagrégeant, nous faussait compagnie, pour ne laisser de nous que notre ébahissement ? En attendant, nous ne saurions refuser de faire crédit à ce nouveau venu qui, moins réservé que le toujours hypothétique éther, ne demande désormais qu’à se manifester. L’indéfinie révision de nos vérités provisoires commande des remaniements successifs, dont la justification se trouve dans la relativité de nos connaissances, aggravée des aspects mobiles d’une cosmologie[1] qui se fait éternellement.

Les nouveautés de la physique moderne ont amené une complète révolution, non seulement dans cette discipline particulière, mais jusqu’aux plus lointaines régions dans tout l’ordre de la connaissance. La découverte des rayons X par Rœntgen et de la radio-activité de l’uranium par Becquerel datent de 1896 seulement. La télégraphie et la téléphonie sans fil marquèrent, aux yeux du public, l’entrée de l’esprit humain dans une ère d’émerveillements. Puis, bientôt apparurent des successions de phénomènes qui nous portèrent d’emblée jusqu’au cœur des problèmes de la structure du monde et de ses mouvements. D’un même bond, science et philosophie coururent aux avant-postes de la connaissance, avec leur vieux bagage de postulats en rumeur, et, sans plus attendre, voici qu’une ardente génération de chercheurs s’est ruée au nouveau filon de la carrière pour l’exploiter dans la mesure de ses forces, au risque de les dépasser.

J’ai dit que je m’en tiendrai aux données de la culture moyenne de mon temps, et je sens bien le danger de m’avancer au delà. Puis-je donc l’éviter quand tout le champ de l’ancienne observation se trouve soudain bouleversé de fond en comble par la mise en lumière de mouvements élémentaires qui

  1. Le mot cosmogonie n’a pas de sens positif puisqu’il ne répond à l’objectivité d’aucun moment. Il subsiste tel que nous l’avons reçu des ignorances primitives. Cosmologie est le mot de positivité.