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notre planète

Il a suffi de montrer d’une irrésistible évidence que « les animaux de toute époque se rattachent à ceux qui les ont précédés, par des formes de passage. Il y a des liens étroits, non seulement entre les espèces d’un même genre, mais encore entre les genres d’une même famille, entre les familles d’un même ordre, entre les ordres d’une même classe, entre les classes d’un même embranchement… Les enchaînements ne sont pas moins évidents entre les groupes supérieurs des divers types d’organisation. »[1].

Les changements du monde animé, nécessairement, innombrables, se sont donc accomplis successivement, comme les autres, par un nombre immense de petites discontinuités d’apparences. Pour 100 espèces d’huîtres, actuellement vivantes, nous connaissons aujourd’hui plus de 600 espèces fossiles. Des ordres entiers, parfois même des classes, ont pris place en pleine lumière. La multiplication des cadres zoologiques ne fait que s’accroître indéfiniment, et la partie des terrains sédimentaires présentement fouillée est insignifiante en comparaison de celle qui reste à explorer. Les mollusques ammonites nous offrent un mélange de traits où se caractérisent les mollusques voisins. Même cas des vertébrés. Dans la classe des poissons, les squales, les ganoïdes, les poissons osseux, nous offrent actuellement des caractères distinctifs où l’on ne peut se méprendre. Il n’en était pas de même autrefois. Squales primitifs et ganoïdes avaient des traits de ressemblance. À ce point que, dans l’ère secondaire, il n’est pas toujours facile de les distinguer. De même pour les batraciens et les reptiles. De même encore pour les reptiles et les oiseaux. Certains animaux du trias nous montrent des transitions des reptiles aux mammifères. Le champ de ces passages ne sera jamais épuisé. « L’histoire des solipèdes, des ruminants, des proboscidiens, remarque M. Boule, nous montre, comment on peut rattacher, par toute une série de formes intermédiaires, les beaux types actuels à de lointains ancêtres, petits, chétifs et peu différenciés. »

Ces changements, qui ne peuvent être de hasard, puisque nous ne rencontrons ni hasard ni caprice dans les phénomènes, relèvent des mouvements d’une cohérence ordonnée. C’est la

  1. Albert Gaudry.